Aimé Reverdy: se laisser poustache

Portrait

Avec un prénom comme le sien, Aimé était prédestiné. Mais Aimé est né sauvage il y a cinquante ans. Ce n’est pas qu’il n’aime pas son prochain, il les peint,tous dirait-on. Il les aime nombreux, proches, différents, variés, en groupe et pourtant seuls. Il les aime et de loin.Il dit qu’il est comme une machine à faire des «bonhommes». Machinalement donc, il assemble les yeux, les faces, c’est un réflexe. Est-ce, comme il l’avoue, à cause de l’affection neurologique qui lui joue des tours dans la reconnaissance des visages? Est-ce parce qu’il en a peur qu’il figure nos visages? Est-il un de ces «fous peignants» ? Les réponses d’Aimé Reverdy sont dans ses oeuvres: accumulations débordantes de têtes. Il dit la solitude par la foule, la différence par la ressemblance.Le je par le nous. Il dit le tout et répète pourtant un seul motif.Autodidacte paradoxal, il a cependant appris en regardant ceux qu’il ose à peine nommer, de Pollock à Chaissac et il dit se moquer de la maîtrise. Ce qui l’ occupe, c’est de remplir des surfaces de visages.Trognes, tronches, bobines, bouilles, faciès, frimousses, gueules, minois, trombines.Le visage d’une humanité.

Aimé et l'atelier.

Aimé est parmi les plus récents membres. C’est son innocence fragile qui a séduit les autres. Et l’obstination automatique de celui qui s’entête à ne peindre que des têtes. Résolu dans ses choix picturaux, il l’est tout autant dans sa vie. Peu disert, introverti, il craint la foule qu’il peint pourtant. Invisible dans le groupe, il s’efface de façon parfois bourrue quand on le questionne. En confiance, il se livre simplement. D’un naturel souriant et léger, il préfère le calme, le silence et l’espace. C’est le seul absent. Il travaille chez lui ou dans son jardin, secrètement. À l’atelier, il vient pour écouter et montrer ses derniers travaux. Il demande des conseils et assimile les techniques rapidement. Rien ne semble l’effrayer quand il s’agit de saturer d’une manière ou d’une autre des surfaces de figures. Par ailleurs, il entretient des correspondances avec des membres et leur envoie les résultats de ses recherches peints sur les supports qui lui tombent sous la main. Un ours bien élevé.

Carl de Chateauneuf